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PHENOBOIS : Une plateforme de référence pour l’étude de l’hydraulique des plantes

Une plateforme unique en Europe

La plateforme PHENOBOIS regroupe deux laboratoires spécialisés à Clermont-Ferrand et Bordeaux, au cœur des développements méthodologiques en hydraulique végétale. Elle propose un accès à des technologies de pointe pour l’étude de la vulnérabilité des plantes à la sécheresse. En collaboration ou en prestation, PHENOBOIS met à disposition un éventail de méthodes traditionnelles (gravimétrique, coloration, ultra-sons) et innovantes (centrifugation via cavitron, technique optique, tomographie RX), pour mesurer les performances hydrauliques de nombreux types d’échantillons (feuilles, tiges, racines) et d’espèces variées, des herbacées aux arbres tropicaux en passant par les grandes cultures ou les arbres fruitiers.

Cette plateforme attire chaque année de nombreux chercheurs et étudiants internationaux pour des séjours d’étude, et permet de caractériser des centaines d’espèces et des milliers de génotypes, notamment en lien avec la tolérance à la sécheresse.

Contexte scientifique : Pourquoi mesurer la vulnérabilité à la cavitation ?

Le réchauffement climatique accentue la fréquence, la durée et la sévérité des épisodes de sécheresse, menaçant la survie des végétaux. Il est désormais établi (IPCC, 2021) que la mortalité des arbres en contexte de sécheresse est souvent liée à la rupture hydraulique (formation de bulles d’air dans les vaisseaux du xylème, interrompant le transport de sève.). Comprendre et mesurer la résistance à l’embolie devient alors un enjeu majeur, tant pour prévoir la réponse des écosystèmes que pour sélectionner des génotypes adaptés. Ces connaissances sont essentielles non seulement pour comprendre les mécanismes de réponse au stress hydrique, mais aussi pour les appliquer à l’amélioration des plantes, à la sélection variétale, à la gestion forestière, ainsi qu’à la compréhension des dynamiques écologiques des espèces dans un contexte de changement global.

Cavitron : Mesurer la résistance à la cavitation par centrifugation

Développé par Hervé Cochard (INRAE), le Cavitron est un prototype capable de caractériser la tolérance à la sécheresse des plantes via la mesure de la conductance hydraulique d’un rameau sous pression négative. Il permet d'obtenir une courbe de vulnérabilité à la cavitation qui nous renseigne sur la tolérance à la sécheresse des espèces, des populations ou des génotypes. La cavitation correspond à la formation d'une bulle d'air dans les vaisseaux des arbres (xylème), qui vient rompre la colonne d'eau et rend ainsi l'appareil vasculaire impropre au transport de la sève. La cavitation se produit lors d'épisodes de sécheresse sévère et conduit à la mort de l'arbre lorsqu'elle atteint des taux importants (Delzon and Cochard 2014).

Le principe de fonctionnement du CAVITRON est basé sur l’utilisation de la force centrifuge pour générer à la fois une pression négative dans le xylème (qui simule une sécheresse) et un gradient de pression hydrostatique entre les deux extrémités. Chaque extrémité de l’échantillon est immergée dans une cuve d’eau de niveau différent, le niveau maximal de chaque cuve étant déterminé par un trou dans la cuve (schéma en haut à gauche). Cette différence de niveau crée un gradient hydrostatique, qui génère un flux d’eau à travers le rameau, depuis le réservoir amont vers le réservoir aval. En effectuant des mesures à différents paliers (différentes vitesses induisant différentes pressions), on peut obtenir une courbe de vulnérabilité en moins de 20 min (courbe en bas à droite) et ainsi comparer des espèces ou des génotypes. Le Cavitron permet de générer une pression négative contrôlée dans un rameau, simulant la sécheresse via la force centrifuge. Ce procédé produit une courbe de vulnérabilité en moins de 20 minutes, révélant la conductance hydraulique résiduelle à chaque niveau de stress.

Le prototype du cavitron a été amélioré et automatisé grâce aux efforts continus des membres de PHENOBOIS. Les améliorations sont à la fois d’ordre technique (qualité de la mesure, reproductibilité…) et ergonomique (Burlett et al 2022). La suite logicielle associée au cavitron (CAVISOFT) est disponible en open source (voir la forge de PHENOBOIS). 

De 2005 à aujourd’hui, plus de 300 espèces de conifères (Bouche et al., 2014) et des milliers de génotypes de pin maritime (Lamy et al., 2014) ont été analysés par cette méthode. Le Cavitron est désormais l’élément de base de la plate-forme, qui en possède sept à ce jour (4 à Bordeaux et 3 à Clermont-Ferrand).

Figure1-CAVI1000

Figure 1. Schéma de principe et illustration du cavitron et du CAVI1000

CAVI1000 : Un Cavitron pour espèces à vaisseaux longs

Ce prototype unique, conçu à Bordeaux, est un Cavitron à grand diamètre (1 m), pesant 1,5 tonne, spécialement adapté aux espèces à vaisseaux longs : vigne, chêne, frêne, essences tropicales… En fonctionnement depuis 2015, il a ouvert de nouvelles perspectives de recherche sur ces espèces.

Pour plus d'informations sur le cavitron :

La Technique Optique : Voir l’embolie en temps réel

Développée en 2016 par Tim Brodribb (Université de Tasmanie), cette technique repose sur la capture d’images à intervalles réguliers (scanner ou caméra), pour détecter la formation de bulles d’air dans les feuilles ou les tiges pendant leur déshydratation.

Le suivi du potentiel hydrique du xylème est assuré :

  • En continu avec des psychromètres de tige 
  • Ponctuellement via chambre à pression

Cette méthode permet de comparer la résistance à l’embolie entre organes et complète efficacement la mesure par cavitron. PHENOBOIS compte aujourd’hui plus de 20 postes d’imagerie optique entre Bordeaux et Clermont.
Plus d'infos : https://www.opensourceov.org

Figure2-Technique-optique

Figure 2. La Technique Optique est une méthode permettant de déterminer la résistance à l’embolie au sein des feuilles. Le dispositif est basé sur l’utilisation d’un scanner de bureau (a, b) ou d’une caméra, les feuilles étant scannées à intervalles réguliers tout au long de la déshydratation de la plante (c). L’analyse d’images qui s’en suit consiste à comparer les scans successifs deux à deux afin de mettre en évidence les évènements d’embolie qui se sont produits dans les vaisseaux du xylème (d). Le principe d’analyse est basé sur la différence de transmission de lumière lorsque les vaisseaux sont remplis d’eau puis d’air une fois embolisés. Une fois l’analyse complétée, nous obtenons une cartographie de tous les évènements d’embolie ayant eu lieu dans les feuilles (e) ainsi que les courbes de vulnérabilité des feuilles à la cavitation (f)

Xyl’em : Déterminer l’embolie sans balance de précision

Basée sur la méthode de Sperry et al. (1988), cette technique consiste à comparer la conductance d’un segment avant et après perfusion sous pression avec de l’eau dégazée. Le rapport des deux permet de quantifier précisément le taux d’embolie.

Avantages :

  • Ne nécessite pas de balance de précision
  • Robuste et simple
  • Utilisable en laboratoire ou sur le terrain

Applications :

  • Étude du fonctionnement hydrique en conditions naturelles
  • Sélection variétale pour la contrainte hydrique
  • Suivi du dépérissement des ligneux
  • Résistance au gel
  • Impact physiologique de la sécheresse
  • Modélisation de la transpiration

 

Figure3-Principe-XYLEM

Figure 3 : Schéma de principe du XYL’EM qui permet la détermination de l’embolie sans balance de précision. La robustesse du kit permet une utilisation intensive au champ comme en Laboratoire. La simplicité d’utilisation rend les mesures d’embolie plus aisées et plus rapides.

Références clés

Cochard H, Badel E, Herbette S, Delzon S,  Choat B, Jansen S (2013) Methods for measuring plant vulnerability to cavitation: a critical review. Journal of Experimental Botany 64: 4779-4791

Cochard H 2002 A technique for measuring xylem hydraulic conductance under high negative pressures. Plant Cell and Environment 25 : 815-819.

 Cochard H, Damour G, Bodet C, Tharwat I, Poirier M, Améglio T 2005 Evaluation of a new centrifuge technique for rapid generation of xylem vulnerability curves. Physiologia Plantarum 124:410-418

Burlett, R.; Parise, C.; Capdeville, G.; Cochard, H.; Lamarque, L.J.; King, A.; Delzon, S. (2022) Measuring xylem hydraulic vulnerability for long-vessel species: An improved methodology with the flow centrifugation technique. Ann. For. Sci., 79, 5.

Delzon S. and H. Cochard (2014) Recent advances in tree hydraulics highlight the ecological significance of the hydraulic safety margin. New Phytologist 203: 355–358.

Urli M., A.J. Porté, H. Cochard, Y. Guengant, R. Burlett and S. Delzon (2013) Xylem embolism threshold for catastrophic hydraulic failure in angiosperm trees. Tree Physiology 33: 672-683.

Brodribb T.J., D. Bowman, S. Nichols, S. Delzon and R. Burlett (2010) Xylem function and growth rate interact to determine recovery rates after exposure to extreme water deficit. New Phytologist 188: 533-542.

Brodribb T.J., R.P. Skelton, S.A. McAdam, D. Bienaimé, C.J. Lucani and P. Marmottant (2016) Visual quantification of embolism reveals leaf vulnerability to hydraulic failure. New Phytologist 209: 1403-1409.

Lamy J-B., L. Bouffier, R. Burlett, C. Plomion, H. Cochard and S. Delzon (2011) Uniform Selection as a Primary Force Reducing Population Genetic Differentiation of Cavitation Resistance across a Species Range. PLoS ONE 6: e23476.

Choat B., S. Jansen, T.J. Brodribb, H. Cochard, S. Delzon et al. (2012) Global convergence in the vulnerability of forests to drought. Nature 491: 752–755.

Lamy J-B., S. Delzon, P. Bouche, R. Alia, G.G. Vendramin, H. Cochard and C. Plomion (2014) Limited genetic variability and phenotypic plasticity detected for cavitation resistance in a Mediterranean pine. New Phytologist 201: 874-886.

Bouche P.F., M. Larter, J-C. Domec, R. Burlett, P. Gasson, S. Jansen, and S. Delzon (2014) A broad survey of xylem hydraulic safety and efficiency in conifers. Journal of Experimental Botany doi:10.1093/jxb/eru218.

Delzon S., C. Douthe, A. Sala and H. Cochard (2010) Mechanism of water-stress induced cavitation in conifers: bordered pit structure and function support the hypothesis of seal capillary-seeding. Plant Cell & Environment 33: 2101–2111.