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Cavitation

Cavitation

Une plate-forme dédiée à l'étude de l'hydraulique des plantes

http://sylvain-delzon.com/caviplace/#

Le laboratoire « CAVIPLACE » qui fait partie intégrante de la plateforme PHENOBOIS permet de quantifier à haut débit la capacité des plantes à résister à l’embolie et ainsi caractériser leur tolérance à la sécheresse. Depuis sa création en 2005, des centaines d'espèces ont été mesurées, dont 300 espèces de conifères et des milliers de génotypes de pin maritime afin de faire le lien entre génotype et phénotype. Depuis 2016, nous disposons également d’un cavitron à grand diamètre (CAVI1000) permettant de mesurer des espèces à vaisseaux longs comme la vigne, le chêne, le frêne et les espèces tropicales. Plus récemment, nous avons installé un dispositif permettant de visualiser l’embolie foliaire via la technique optique développée par Brodribb et al. (2016). 

  Contexte

Dans la dynamique actuelle de réchauffement climatique où les épisodes de sécheresse sont à la fois plus fréquents, plus intenses et plus longs, affectant directement la survie des plantes, l’étude de caractères liés à la tolérance à la sécheresse est primordial afin d’une part de prédire la réponse des populations cultivées et naturelles au changement climatique, et d’autre part de sélectionner les génotypes plus résistants. Des études récentes menées au laboratoire ont montré que la vulnérabilité à l’embolie est relativement bien corrélée à la tolérance à la sécheresse, i.e. à la survie des arbres en condition de stress hydrique sévère (Urli et al. 2013 ; Brodribb et al. 2010). La cavitation (ou sa conséquence l’embolie) consiste en l’apparition de bulles d’air dans les vaisseaux conducteurs de sève de l’arbre, les rendant impropres au transport de l’eau. Elle se produit lorsque la pression devient trop négative (potentiel hydrique du xylème) lors d'épisodes de sécheresse intense et/ou prolongée (Delzon and Cochard 2014). La résistance à la cavitation des espèces est également très bien corrélée à leur exigence écologique et leur habitat (aire de répartition), les espèces vivant dans des milieux xériques étant plus résistantes à la cavitation que celles de milieux humides.

 Le cavitron

Mis au point par Hervé Cochard (INRAE Clermont-Ferrand) en 2005, le prototype a été amélioré et automatisé depuis, ce qui en fait un instrument unique au monde. Les crédits d’avenir dans le cadre du projet Xyloforest ont permis d’y adjoindre récemment un microscope à balayage électronique de dernière génération. Le Cavitron est l’élément de base de la plate-forme (Figure 1), qui en possède trois à ce jour. De par son unicité, la plate-forme attire un grand nombre de chercheurs étrangers pour des séjours de longues durées.

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Figure 1. Le Cavitron est un prototype capable de caractériser la tolérance à la sécheresse des plantes via la mesure de la conductance hydraulique d’un rameau sous pression négative. Il permet d'obtenir une courbe de vulnérabilité à la cavitation qui nous renseigne sur la tolérance à la sécheresse des espèces, des populations ou des génotypes. La cavitation correspond à la formation d'une bulle d'air dans les vaisseaux des arbres (xylème), qui vient rompre la colonne d'eau et rend ainsi l'appareil vasculaire impropre au transport de la sève. La cavitation se produit lors d'épisodes de sécheresse sévère et conduit à la mort de l'arbre lorsqu'elle atteint des taux importants (Delzon and Cochard 2014).

Le principe de fonctionnement du CAVITRON est basé sur l’utilisation de la force centrifuge pour générer à la fois une pression négative dans le xylème (qui simule une sécheresse) et un gradient de pression hydrostatique entre les deux extrémités. Chaque extrémité de l’échantillon est immergée dans une cuve d’eau de niveau différent. Le niveau maximal de chaque cuve étant déterminé par un trou dans la cuve (schéma en haut à gauche). Cette différence de niveau crée un gradient hydrostatique, qui génère un flux d’eau à travers le rameau, depuis le réservoir amont vers le réservoir aval. En effectuant des mesures à différents paliers (différentes vitesses induisant différentes pressions), on peut obtenir une courbe de vulnérabilité en moins de 20 min (courbe en bas à droite) et ainsi comparer des espèces ou des génotypes. 

 Le CAVI1000

Ce prototype développé à Bordeaux permet de mesurer la résistance à la cavitation d'espèces à vaisseaux longs telles que les chênes, la vigne ou les arbres tropicaux. Il possède un rotor d'un mètre de diamètre et pèse environ 1.5 tonnes. De nouvelles perspectives de recherche ont ainsi pu être lancées depuis son arrivée au laboratoire en début d'année 2015.   

 

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La Technique Optique

Développée par Tim Brodribb (Université de Tasmanie) en 2016, cette méthode, basée sur de l’analyse d’images, permet de visualiser l’apparition et la propagation de l’embolie dans les feuilles au cours de la déshydratation d’une plante (Figure 2). Le suivi de la chute du potentiel hydrique du xylème est assuré à la fois grâce à des psychromètres de tige (mesures en continu) et par des mesures à la chambre à pression (ponctuelles). Cette technique représente donc un dispositif complémentaire au Cavitron, en permettant notamment de comparer la résistance à l’embolie entre différents organes d’un même individu. La plate-forme compte actuellement quatre postes de technique optique.

 

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Figure 2. La Technique Optique est une méthode permettant de déterminer la résistance à l’embolie au sein des feuilles. Le dispositif est basé sur l’utilisation d’un scanner de bureau (a, b), les feuilles étant scannées à intervalles réguliers tout au long de la déshydratation de la plante (c). L’analyse d’images qui s’en suit consiste à comparer les scans successifs deux à deux afin de mettre en évidence les évènements d’embolie qui se sont produits dans les vaisseaux du xylème (d). Le principe d’analyse est basé sur la différence de transmission de lumière lorsque les vaisseaux sont remplis d’eau puis d’air une fois embolisés. Une fois l’analyse complétée, nous obtenons une cartographie de tous les évènements d’embolie ayant eu lieu dans les feuilles (e) ainsi que les courbes de vulnérabilité des feuilles à la cavitation (f)

Références

Delzon S. and H. Cochard (2014) Recent advances in tree hydraulics highlight the ecological significance of the hydraulic safety margin. New Phytologist 203: 355–358.

Urli M., A.J. Porté, H. Cochard, Y. Guengant, R. Burlett and S. Delzon (2013) Xylem embolism threshold for catastrophic hydraulic failure in angiosperm trees. Tree Physiology 33: 672-683.

Brodribb T.J., D. Bowman, S. Nichols, S. Delzon and R. Burlett (2010) Xylem function and growth rate interact to determine recovery rates after exposure to extreme water deficit. New Phytologist 188: 533-542.

Brodribb T.J., R.P. Skelton, S.A. McAdam, D. Bienaimé, C.J. Lucani and P. Marmottant (2016) Visual quantification of embolism reveals leaf vulnerability to hydraulic failure. New Phytologist 209: 1403-1409.

Lamy J-B., L. Bouffier, R. Burlett, C. Plomion, H. Cochard and S. Delzon (2011) Uniform Selection as a Primary Force Reducing Population Genetic Differentiation of Cavitation Resistance across a Species Range. PLoS ONE 6: e23476.

Choat B., S. Jansen, T.J. Brodribb, H. Cochard, S. Delzon et al. (2012) Global convergence in the vulnerability of forests to drought. Nature 491: 752–755.

Lamy J-B., S. Delzon, P. Bouche, R. Alia, G.G. Vendramin, H. Cochard and C. Plomion (2014) Limited genetic variability and phenotypic plasticity detected for cavitation resistance in a Mediterranean pine. New Phytologist 201: 874-886.

Bouche P.F., M. Larter, J-C. Domec, R. Burlett, P. Gasson, S. Jansen, and S. Delzon (2014) A broad survey of xylem hydraulic safety and efficiency in conifers. Journal of Experimental Botany doi:10.1093/jxb/eru218.

Delzon S., C. Douthe, A. Sala and H. Cochard (2010) Mechanism of water-stress induced cavitation in conifers: bordered pit structure and function support the hypothesis of seal capillary-seeding. Plant Cell & Environment 33: 2101–2111.